Connaissez-vous le discours que le Premier Ministre Dominique de Villepin a prononcé lors de sa visite au Mont-Saint-Michel le 16 juin dernier?
Le Premier Ministre y décrit les objectifs que s'est fixé le gouvernement pour préserver l'environnement marin.
Lisez-le, ce n'est pas mal du tout (sincèrement).
Comme conseiller de la Coalition pour la Conservation des Fonds Océaniques, j'ai été particulièrement sensible à l'extrait suivant:
"Au-delà de nos littoraux, nous devons préserver nos océans, leur faune et leur équilibre. C’est particulièrement important pour nos marins pêcheurs, dont je sais que vous êtes de grands défenseurs. Cela implique en premier lieu de lutter contre les pollutions marines [...] Cela implique aussi de lutter contre le pillage des fonds sous-marins les plus riches. C’est pourquoi la France soutient un moratoire sur toutes les techniques de pêche en eaux profondes, et ce dans tous les espaces maritimes ne faisant pas l’objet de règles de gestion internationales."
Et bien sûr en tant que défenseur des baleines (j'étais d'ailleurs cette semaine-là à la réunion de la Commission Baleinière Internationale), je me suis réjoui de lire: "En ce qui concerne la protection des cétacés, la France s’opposera à tout assouplissement des règles par la Commission baleinière internationale, qui démarre ses travaux aujourd’hui [...]".
Sur la position de la France à la Commission Baleinière Internationale cette semaine-là, rien à redire. La France a été à la hauteur comme par le passé. En outre, l'intervention époustoufflante et passionnée de Madeleine de Grandmaison, Vice-Présidente du Conseil Régional de la Martinique annonçant la création d'un sanctuaire pour les mammifères marins dans l'espace maritime français en Caraïbe a été particulièrement remarquée.
Mais avec le dossier du moratoire sur la pêche en eau profonde dans les eaux internationales non soumises à la réglementation d'organisations régionales de gestion des pêches que défend le Premier Ministre, à vrai dire l'action du gouvernement brille par son inexistence. Au-delà des mots prononcés par Dominique de Villepin et d'un obscure communiqué de presse du Ministère de l'Ecologie il y a un peu moins d'un an, il ne se passe rien.
Que ce soit à la Mission française auprès des Nations-Unies à New York ou à Bruxelles, lorsque l'on demande aux fonctionnaires français ce qu'ils font pour promouvoir ce moratoire que leur gouvernement appel de ses voeux depuis près d'un an, on a la désagréable impression d'entendre (entre les lignes, bien sûr): "Bof, vous savez, les ministres vont et viennent; laissez-nous, les fonctionnaires gérer les choses et ne comptez pas sur nous pour faire des vagues".
La semaine qui précéda la visite de Dominique de Villepin au Mont-Saint-Michel, j'étais moi-même à New York à la réunion annuelle consultative sur les Océans et le Droit de la Mer des Nations-Unies. Constatant l'inaction absolue de la délégation française, j'ai pu mesurer le fossé entre le discours et la réalité.
A ma connaissance, en près d'un an et jusqu'à présent aucun fonctionnaire français n'a cru bon, ni à Bruxelles ni à New York, de faire part de la position officielle du gouvernement français au cours des débats qui ont lieu en vue des préparatifs de l'Assemblée Générale des Nations-Unies. Ou (ce qui revient au même) les cabinets ministériels n'ont pas manifesté un désir ardent que le-dit moratoire aboutisse.
Deux mois après qu'un rapport du Secrétaire Général des Nations-Unies ait confirmé le bien-fondé des préoccupations exprimées par les organisations de défense de l'environnement, la communauté scientifique et de nombreux pays quant à l'absence de mesures pour veiller à la conservation des écosystèmes fragiles des profondeurs en haute mer face aux dommages inhérents au chalutage de fond, la tension monte aux Nations-Unies. Une décision sur la proposition de moratoire en haute mer est attendue cette année.
Une formule de compromis qui circule consisterait à déclarer la suspension du chalutage de fond en haute mer là où il n'y a pas d'organisations régionales compétentes pour réglementer, tout en réitérant que là où elles existent les-dites organisations devraient elles aussi prendre des mesures d'urgence. Cette formule (élaborée déjà il y a deux ans au Congrés mondial de l'UICN) va tout à fait dans le sens de ce que défend Dominique de Villepin dans son discours du Mont-Saint-Michel (un moratoire sur toutes les techniques de pêche en profondeur là où il n'y a pas de réglementation). Alors pourquoi, de Bruxelles à New York, la délégation française garde-t-elle toujours le silence?
Le Comité des Affaires Maritimes de l'Union Européenne (connu sous l'acronyme COMAR) traitera ce dossier le 20 septembre à Bruxelles. Aux Nations-Unies une première ronde aura lieu les 4 et 5 octobre; décision attendue ensuite du 17 au 22 novembre.
On sera alors fixés sur la volonté réelle du gouvernement français de combler l'abîme entre le discours et l'action.
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